clause de loyer variable

La clause de loyer variable dans les résidences de tourisme vendues en défiscalisation : une fausse bonne idée ?

Par Jacques Gobert, Avocat.

Les résidences services, et en particulier les résidences de tourisme présentent massivement les mêmes pathologies : prix de vente surévalués, gonflés par des fonds de concours masqués, loyers fixes dolosivement majorés pour faire croire aux acquéreurs défiscalisants en la rentabilité du produit acheté…

La suite, connue, maintes fois dénoncée par les associations de victimes (baisses de loyers, impayés, évasion fiscale de certains gestionnaires, détournement de la procédure de sauvegarde …), laisse de marbre pouvoirs publics, et gestionnaires de ces résidences, principaux bénéficiaires de ce “holdup” au préjudice des classes moyennes…

La multiplication des procédures a fini par interpeller certains tribunaux, et réagir quelques professionnels de la gestion regroupés dans leur syndicat de défense.

Un cabinet fiscal de renom reprend depuis peu une de leurs anciennes idées [1] selon laquelle, après tout, il n’y aurait qu’à mettre fin aux rigidités du bail commercial à loyer fixe, et lui substituer un loyer partiellement variable, par exemple en introduisant dans le bail, un intéressement sur le chiffre d’affaires.

Ainsi finies les querelles sur l’importance excessive du loyer qui pénalise les gestionnaires : lié judicieusement au chiffre d’affaire, le loyer devenu mobile épouserait les aléas de la gestion, et le gestionnaire se trouverait ainsi garanti de ne supporter aucune perte d’exploitation.

En théorie donc, tout est bien qui finit bien.

Le bailleur n’aurait aucun motif de se plaindre. Il subirait certes peut être des baisses de loyer, mais aurait aussi vocation à jouir des hausses éventuelles…

L’idée semble séduisante, mais pose plus de difficultés qu’elle n’en résout.

En effet :

a) Il y a co-exploitation si le loyer est déterminé en fonction des résultats. Mais si, comme le soutiennent ces gestionnaires, l’indexation du loyer est corrélée au seul CA hébergement, on n’est plus dans la exploitation, on est dans le meublé. De ce fait le risque de requalification serait inexistant.

Ce point de vue parait radicalement contraire à la position de l’administration fiscale, telle qu’exprimée par sa doctrine.

En effet, celle-ci a rappelé que « les formules de rémunération du bailleur se référant ou combinant des données propres à l’activité, au chiffre d’affaires ou au résultat de l’entreprise locataire peuvent constituer des moyens de participation à la gestion ou au résultat de l’exploitation », ce qui ferait perdre au bailleur la qualité de loueur en meublé [2].

L’administration ne distingue pas entre le chiffre d’affaires relatif aux prestations d’hébergement et celui relatif aux prestations d’hôtellerie. La doctrine administrative étant d’interprétation stricte, la lettre du texte exclut la possibilité de telles clauses.

Rien ne permet donc de penser que le fait de baser le calcul de la part variable uniquement sur les prestations d’hébergement permettrait d’éviter tout risque de requalification.

Il y a donc une insécurité importante juridique.

b) Il est artificiel de séparer le CA réalisé par les activités d’hébergement des autres activités.

L’un ne va pas sans les autres.

L’hébergement en effet, demeure-t-il attractif sans nettoyage, fourniture de linge, piscine,… et inversement ?

Même si comptablement il semble possible de distinguer ces chiffres d’affaires, ceux-ci sont intimement liés dans la mesure où c’est bien l’ensemble des prestations proposées qui attire le public et non une des prestations prise individuellement.

c) Il semble impossible de prédéterminer le loyer fixe en étant certain, comme l’impose la doctrine administrative, qu’il ne soit jamais inférieur à 50 % du loyer total.

Il nous est indiqué que la part variable du loyer devra être inférieure à 50% du montant du loyer total. Or, il est impossible de déterminer à l’avance quel sera le montant de la part variable du loyer qui est indexée sur une partie du chiffre d’affaires. Il y a donc un risque de requalification, dans l’hypothèse d’un exercice au cours duquel le taux de remplissage serait très élevé. Cette incertitude constitue un risque que les propriétaires ne peuvent prendre.

d) Le calcul de la part variable suppose une transparence complète des comptes de chaque résidence, que le gestionnaire justifie ses choix d’imputation de charges de structure (frais de siège…) sur le chiffre d’affaire avant application de la part variable : d’où un dialogue permanent et souvent difficile avec tous les bailleurs…

Et ce d’autant que la plupart des gestionnaires s’opposent à une communication complète des comptes de la résidence, au motif, entre autres de l’obscurité des textes [3].

e) Sous couvert de clarification et d’apaisement, les gestionnaires recherchent par le biais de cette clause recette la négociation d’avenants entérinant des baisses de loyers…

En effet, la mise en place de ce mode de fixation du loyer conduira inévitablement à des baisses de loyers que devront supporter les propriétaires.

En conclusion, il ne nous paraît pas opportun pour les propriétaires d’accepter de telles rédactions des baux qui leur ferait prendre un risque important de requalification par l’administration fiscale.

Adresse de l’article original : http://www.village-justice.com/articles/clause-loyer-variable-dans-les-residences-tourisme-vendues-defiscalisation-une,22996.html